- Campux Plex & Good Barber : Les start-ups corses au Web Summit et à la pointe de la révolution numérique

 - Campux Plex & Good Barber : Les start-ups corses au Web Summit et à la pointe de la révolution numérique

C'est la grande messe européenne des nouvelles technologies, on l'appelle le « Davos des Geeks », le Web Summit a réuni, la semaine dernière, à Lisbonne près de 53 000 visiteurs, 2000 journalistes, 15000 entreprises venus de 166 pays, 2000 startups et plus de 1000 investisseurs. Parmi les boites présentes, des start-ups corses, ce qui se fait de mieux dans le domaine du numérique aujourd'hui dans l'île : Campux Plex avec WMaker & Good Barber, Oscaro, Volpi... Accompagnées par Femu Qui Ventures et la Chambre de commerce et d'industrie de Corse du Sud (CCI2A), elles sont venues nouer des contacts et prendre le pouls des grandes tendances de demain. Explications, pour Corse Net Infos, de Sébastien Simoni, fondateur de WMaker & GoodBarber et de CampusPlex & RobotiCamp, président de Femu Qui Ventures. Il explique comment la Corse peut développer une industrie du numérique, mais tire la sonnette d’alarme sur le niveau « catastrophique » de la R&D insulaire.


C'est l'endroit où tout est possible, celui où se rassemblent les grands acteurs du numérique et où se dessine l'économie de demain. Le Web Summit, né à Dublin en 2009 et installé pour trois ans à Lisbonne au Portugal, est le Congrès la plus important en matière de technologie, d’innovation et d’esprit d’entreprise en Europe. L’endroit où s’affiche tout ce qui se passe dans le digital, les futurs produits et les grandes tendances de demain. Les start-ups, naissantes ou reconnues, s’y pressent, les premières pour dénicher des opportunités de financement ou de médiatisation quasi-introuvables ailleurs, les secondes pour afficher leur réussite et leur dynamisme. Une multiplicité de petit stand à faible coût d’accès offre aux jeunes entrepreneurs une tribune exceptionnelle. Ils peuvent aussi pitcher devant des jurys et un public. Le salon est émaillé d’évènements, de grandes conférences avec des intervenants emblématiques de l’industrie digitale, comme Mark Shroepfer, le directeur technique de Facebook ou encore celui de Google, de Soundcloud ou de Deezer … Egalement, des stars : cette année, l’acteur américain Joseph Gordon-Levitt à l’affiche du film Snowden, le rappeur britannique Tinie Tempah, le chanteur de R&B Ne-Yo, les footballeurs Ronaldinho et Luis Figo… qui ont investi dans des start-ups.
 
Des start-ups corses
Parmi les 2000 start-ups présentes, une poignée de Corses emmenées par deux précurseurs du numérique dans l’île : Sébastien Simoni, également président de Femu Qui Ventures, et son associé Jérôme Pietri. Tous deux ont fondé CampusPlex, un espace de coworking créatif qui héberge, notamment, leurs deux sociétés : Webzine, éditrice de WMaker utilisé par les sites média internet, notamment Corse Net Infos, et Duo Apps, éditrice de GoodBarber, un apps builder permettant de créer des applications mobiles sans code informatique. Les deux associés, qui réalisent 80 % de leur chiffre d’affaires hors du marché français, ont implanté leurs sociétés à Ajaccio où réside la majeure partie de l’équipe, notamment toute la team de R&D (Recherche & Développement). Ils ont ouverts des bureaux à New York et Lisbonne, ont des relais en Italie, en Allemagne et en Espagne, et ont même attaqué le marché brésilien et turc…. Le travail se fait à distance en remote avec une semaine de débriefing en Corse tous les deux mois. 
 
Un réseau d’amis
Déjà présents à Dublin, il y a deux ans, Sébastien Simoni et Jérôme Pietri ont renouvelé l’expérience à Lisbonne, accompagnés de leur équipe marketing et en conviant d’autres start-ups insulaires. « C’est toujours mieux de faire ce déplacement à plusieurs. On se connaît tous, on a mutualisé les places et proposé à d’autres start-ups que l’on connaissait et qu’on trouve intéressantes de venir, notamment celle de Marc Simeoni. Marc nous avait auparavant invité en Israël », explique Sébastien Simoni. Récemment engagé dans l’aventure du Web, Marc Simeoni vient de lancer Volpi, un projet de collecte et de recyclage de smartphones d’occasion. Egalement de la partie, Véronique et Pierre Noël Luiggi, fondateurs et dirigeants d’Oscaro.com, et Paul-Marie Rongiconi, chef d’entreprise dans le Sud de la France qui vient de créer une start-up et « fait partie du réseau d’amis d’entrepreneurs corses ». Aussi du voyage, Jean-André Miniconi, réélu président de la Chambre de commerce et d'industrie de Corse du Sud (CCI2A). « Nous lui avons proposé de venir pour qu’il rencontre les organisateurs de l’écosystème de start-ups de Lisbonne et qu’il se rende compte, au Web Summit, de tout ce qui se passe de manière concentrée dans le numérique en Europe. Il ne suffit pas de dire que la Corse doit se développer dans le numérique, il faut voir concrètement ce qui se fait dans ce secteur ». Une initiative d’autant plus heureuse que la CCI2A est porte-drapeau d’un projet européen de création de start-ups en Méditerranée.


Sébastien Simoni : « La Corse peut, si elle crée les conditions, mettre en place une industrie du numérique et des milliers d’emplois »

- Quel est, pour vous, l’intérêt d’être présent au Web Summit ?
-  Le Web Summit est, d’abord, l’endroit où l’on peut rencontrer tous les journalistes du secteur, notamment ceux des pays où notre produit est commercialisé. Il est, aussi, l’endroit où se voit tout ce qui se fait de neuf dans l’industrie numérique, les nouvelles idées qui émergent, les projets qui deviendront les produits commerciaux de demain… C’est important de se tenir informer des innovations, de nous imprégner de ce qui est trendy, de ce qui marche... C’est ultra-important de côtoyer d’autres personnes, d’échanger. Nous le faisons tous les jours puisque nous faisons de la veille. Mais se déplacer physiquement et se rendre disponible pour aller ailleurs est une autre forme d’échange.
 
- Quelles grandes tendances se dégagent ?
- Lors de ma première expérience du Web Summit, il y a deux ans, à Dublin, j’ai été étonné de la résilience et de la vitalité des pays du Sud. Les start-up les plus nombreuses venaient de pays les plus touchés par la crise, il y avait beaucoup de sociétés portugaises, espagnoles, italiennes, grecques… On se rend compte que, face à une crise massive et un taux de chômage très élevé, la jeunesse fait feu de tous bois pour s’en sortir. Cette année à Lisbonne, les grandes tendances tournent autour de la réalité virtuelle ou de la réalité augmentée.
 
- Quelle est la différence ?
- La réalité virtuelle est une expérience dans un monde totalement immersif, comme dans un jeu vidéo. La réalité augmentée, c’est un peu Pokemon Go, une expérience dans un monde réel avec des informations en plus sur la prochaine bouche de métro, les dernières promotions… Pas mal d’idées foisonnent, mais on ne sait pas encore quelle sera la killer application de la réalité virtuelle. L’autre grande tendance est l’intelligence artificielle. Les robots logiciels occupaient au Web Summit beaucoup de stands. C’est du au bond scientifique effectué depuis trois ans concernant la capacité de calcul d’algorithme qui peut être utilisé à plein de choses.
 
- Lesquelles ?
- Des choses que les êtres humains n’arrivent pas à faire. Prenons un exemple : la fraude. Des boîtes ont développé des systèmes qui collectent des données et des paramètres et détectent que telle transaction est une probabilité de fraude. Le développement de l’intelligence artificielle est un mouvement de fond qui aura un énorme impact social. Bill Gates explique que, dans dix ans, ces robots logiciels auront détruit près de 30% des emplois dans le tertiaire. Tout ce qui est politiquement proposé aujourd’hui en matière de lutte contre le chômage est complètement à côté de la plaque par rapport à la révolution sociale qu’engendrent ces technologies ! Comme la révolution agricole a libéré la main d’œuvre et permis la révolution industrielle, les robots vont libérer l’homme et effectuer, à sa place, certaines tâches de bas niveau.
 
- Est-ce pour cela que vous avez créé une école de robotique ?
- C’est une activité parallèle à notre société. Depuis 2014, nous finançons une association éducative qui apprend la programmation à travers la robotique. L’idée de départ est simple : les pays anglo-saxons apprennent, très tôt, aux enfants à coder, la France, non. Nous avons décidé de le faire et commencé avec une classe d’une vingtaine d’enfants, avant d’élargir. Nous y consacrons, aujourd’hui, 1% de notre chiffre d’affaires parce que nous croyons fortement que le fait de massifier cet apprentissage donnera aux enfants les clés de leur avenir et leur permettra de comprendre le monde dans lequel ils vivent.


 
- Comment peut-on définir le marché du numérique en Corse ? Est-il balbutiant ?
- Oui et non ! Quand on regarde ce que représente le numérique et la R&D (Recherche & Développement), le constat est que la Corse est à la ramasse ! La France consacre 2,26 % du PIB (Produit intérieur brut) à l’investissement immatériel et à la R&D. La moyenne européenne est de 2 %. La Corse, seulement 0,4 %, le même niveau que Chypre ! Alors que notre niveau de vie est équivalent au niveau moyen de l’Union européenne à 28 pays. Elle est la dernière région de France en matière de R&D, elle est même 40% en dessous des DOM (Départements d’Outre mer) ! C’est catastrophique !
 
- Pourquoi la Corse zappe-t-elle la R&D ? N’est-ce pas entré dans les mœurs insulaires ?
- Non ! Ce n’est pas ça ! Ces quinze dernières années, des dizaines de start-ups ont été créées en Corse, ont réussi et se sont, ensuite, délocalisées. Quelques exemples : Sparrow, spécialisée dans la gestion d’e-mails, a été rachetée par Google pour 25 millions de dollars, IBazar a été rachetée par eBay pour 112 millions de dollars, Oscaro est valorisé près de 1 milliard d’euros… Il y a aussi un écosystème d’éditeurs : la société CGSI dans laquelle nous avons investi, édite un logiciel de portée nationale de gestion pour le bâtiment. Ecopa, une boîte de très haut niveau informatique avec un savoir-faire en matière de calcul et d’optimisation des prix, fait du pricing dynamique et gère les sites d'Oscaro, de la FNAC... Il y a d’autres boites de soft très performantes, spécialisées dans les plannings, l’assemblage des Airbus, le rapatriement des pièces d’avions, des softs pour Corsica Ferries ou pour de nombreux ports en France… Le problème est l’accès à la ressource humaine. Ce n’est pas que la Corse n’a pas de gens de talent, mais on ne trouve pas sur place ce qu’il faut pour grossir une équipe.
 
- Pourquoi ?
- Principalement, à cause des coûts de transport et du manque de connexion. Les billets d’avion sont trois fois plus cher qu’ailleurs, et il faut deux jours de voyage pour passer quelques heures à Rome, à Amsterdam ou à Barcelone. C’est un frein pour les gens qui veulent venir travailler en Corse, comme pour ceux qui veulent y rester. Quand on recrute un ingénieur en Italie ou à Berlin, il nous explique que ce que l’on fait est top, que travailler avec nous valorise son CV auprès de boites américaines parce que nous sommes au niveau mondial, mais qu’il ne peut pas rester vivre en Corse parce qu’il doit renoncer à son mode de vie.
 
- C’est-à-dire ?
- Son mode de vie, c’est de passer le weekend à Amsterdam ou ailleurs en Europe. Un mode de vie européen que l’on ne peut pas avoir en Corse ! La génération des 25-27 ans, que nous recrutons, est née avec les low costs et a l’habitude de se déplacer facilement, d’aller d’une ville à l’autre. Elle parle assez bien l’anglais et est à l’aise partout. Pour elle, il n’y a pas de barrières nationales. Ce problème de transport nous coupe de tout. Les boites, qui naissent en Corse, doivent assez rapidement partir si elles veulent se développer. Le système reste archaïque parce qu’on ne capitalise pas, on ne ratifie pas, on ne fait pas de masse critique… ce qui est d’autant plus difficile d’attirer les gens. C’est un problème systémique.
 
- Est-ce la raison de votre lobbying pour majorer le Crédit impôt-recherche-investissement ?    
- Oui ! Nous avons demandé à nos députés, Camille de Rocca Serra et Paul Giacobbi, de défendre un amendement qui a été rejeté alors que les DOM-TOM ont obtenu cette majoration en 2015. Aujourd’hui, il n’y a aucun intérêt économique à s’installer en Corse. Parler du soleil et de la nature, c’est vraiment se moquer des gens ! Soit on crée un avantage concurrentiel artificiel pour inciter des sociétés à localiser en Corse une partie de leur staff de R&D, ce qui n’empêche pas qu’il faut régler ce problème de transports. Soit chaque fois qu’une société émerge, elle est condamnée à se délocaliser. Femu Qui peut apporter du capital pour financer ce type de boites. Investir peut être le rôle des fonds d’investissements, mais si il n’y a aucun avantage à localiser les start-ups en Corse, on n’y arrivera pas !


- Y-a-t-il, en Corse, un mouvement de création de start-up ?
- Le mouvement est mondial. Si, à un moment donné, le modèle de réussite était d’être embauché dans une grande multinationale, aujourd’hui, c’est de créer une start-up et de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. L’organisation des entreprises n’est plus adaptée à la nouvelle génération qui a envie de bouger, envie d’autre chose. Créer une start-up est devenu plus accessible. A la fin des années 90 quand nous avons commencé à développer notre société, nous n’avions pas l’argent pour acheter la licence Oracle et les accès Soft, nous avons utilisé les technologies Open Source qui étaient gratuites ou très peu cher. Ce même mouvement a lieu actuellement dans l’industrie du hardware, ce qui baisse la barrière à l’entrée pour créer des produits. Avant, il coûtait très cher de concevoir et de fabriquer un robot. Maintenant, on peut utiliser des briques industrialisées en Open Source, les assembler et réaliser des choses assez complexes. Les outils de prototypages sont beaucoup moins chers. Il y a d’autres systèmes de financement.
 
- Est-ce facile de créer une start-up ?
- C’est très facile de la créer, c’est moins facile de réussir ! Le taux d’échec est assez important. Au démarrage, on parle de 2/3 d’échecs dans les boîtes financées, ce qui signifie qu’il y en a encore plus en réalité. Juste une sur dix réussit ! Quand on découpe le financement d’une start-up, les tickets entre 150 000 € et 200 000 €, qui correspondent à la phase de validation du prototype, totalisent, en Europe, 2/3 d’échecs. La série A, entre 1 et 2 millions €, connait 50 % d’échecs. La série B, 30 %. Souvent les jeunes sont bons techniquement, mais, comme ils manquent d’expérience, ils ne se positionnent pas sur les gros marchés. Les projets doivent avoir une intensité capitalistique pour atteindre une certaine taille. On ne peut pas investir des clopinettes et obtenir des millions d’euros de chiffre d’affaires !
 
- Quelle est la clé du succès ? La meilleure idée ?
- Non ! On est dans un monde ultra-connecté, dans une espèce de cerveau global. Les idées naissent par grappes des problématiques qui apparaissent. Ce qui différencie les start-ups qui réussissent des autres, ce n’est pas l’idée, mais l’excellence opérationnelle, faire le mieux possible avec le moins de moyens. Déposer un brevet est, aujourd’hui, has-been ! L’Open Source est une remise en cause de la propriété intellectuelle qui est une logique d’un autre-siècle. Certains disent même qu’elle est néfaste pour l’économie. En Europe, on ne peut pas déposer des brevets sur les soft.  On considère qu’il y a plus de valeur à partager une propriété intellectuelle, qu'à la garder pour soi. Celui qui gagne n’est pas celui qui a l’idée, mais celui qui est le plus rapide et le meilleur à la mettre en œuvre.
 
- Quels secteurs du numérique pourraient se développer dans l'île ?
- On a souvent une vision par le haut qui tente de calquer l’informatique sur les secteurs existants : l’agriculture et le tourisme. C’est un raisonnement assez stupide ! Pourquoi la Californie ou Israël font-ils de l’informatique qu’ils vendent dans le monde entier et nous, en Corse, devrions-nous nous limiter ? Nous sommes un pays de 300 000 habitants. Nous devons exporter et viser un marché le plus large possible. Il est complètement stupide de penser une entreprise sur ce seul marché local qui est minuscule ! Un Parisien, qui vise le marché local, peut faire du business avec les millions d’habitants autour de lui. Ce qui devrait être la norme, lorsqu’on crée une entreprise en Corse, c’est de la créer pour faire du business avec l’étranger. Et, puisqu’on décide de faire son chiffre d’affaires hors de France, autant le faire avec un maximum de pays.
 
- La Corse peut-elle rater la révolution du numérique ?
- La révolution est mondiale, ce qui se passe dans le monde entier, s’applique à la Corse. Tout le monde la fait, pourquoi nous, nous n’y arriverions pas ! Si on veut un niveau de vie élevé, il faut créer de la valeur ajoutée et investir dans la R&D. Nous faisons partie de l’Europe qui est une des zones les plus développées, nous ne pouvons pas nous permettre de rater cette révolution. Mais, pour faire émerger un secteur, il faut une convergence entre un avantage concurrentiel fiscal et du financement. Si on prend l’exemple du secteur du vin qui est une réussite en Corse, ce sont, actualisées, des centaines de millions d’euros qui ont été investis depuis les années 60 et, malgré de mauvais choix, ont donné une impulsion. Amorcer le numérique coûtera beaucoup moins cher. La Corse ne va pas devenir la Silicon Valley de l’Europe, mais elle peut, si elle crée les conditions, mettre en place une industrie du numérique, peut-être même spécialisée dans un secteur, et générer quelques milliers d’emplois.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

 
Source : http://www.corsenetinfos.corsica/Campux-Plex-Good-Barber-Les-start-ups-corses-au-Web-Summit-et-a-la-pointe-de-la-revolution-numerique_a24382.html

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